La progression incontrôlée d’un arbuste devenu nuisible
Le prosopis juliflora, introduit en Éthiopie dans les années 1970 pour lutter contre la désertification, est devenu l’un des végétaux les plus envahissants du pays. Dans la région de l’Afar, cet arbuste originaire d’Amérique latine occupe désormais d’immenses étendues autrefois utilisées pour le pâturage et l’agriculture. Sa croissance rapide, sa résistance à la sécheresse et sa capacité à coloniser les sols arides ont rendu sa prolifération difficile à maîtriser.
Une menace croissante pour les ressources en eau
Les communautés locales décrivent un paysage transformé. Le prosopis absorbe de grandes quantités d’eau, concurrençant les espèces locales et aggravant la pression sur les réserves hydriques déjà limitées dans cette zone semi-aride. Les puits peu profonds s’assèchent plus tôt dans la saison, forçant les éleveurs à parcourir des distances plus longues pour abreuver leurs troupeaux. Plusieurs études menées par des institutions agricoles éthiopiennes soulignent que l’arbre réduit la recharge des nappes phréatiques, accentuant une vulnérabilité climatique déjà marquée.
Impact sur la biodiversité et les terres pastorales
Sur le plan écologique, le prosopis remplace progressivement les herbes locales, essentielles aux espèces sauvages et aux élevages. Sa densité empêche la régénération des espèces indigènes, entraînant une perte de biodiversité notable. Dans l’Afar, région historiquement pastorale, les pâturages se raréfient et les éleveurs voient leur cheptel s’affaiblir faute de ressources suffisantes. Les conflits liés à l’accès aux terres et à l’eau se multiplient entre communautés, selon plusieurs organisations locales.
Les éleveurs face à un bouleversement socioéconomique
Pour les populations de l’Afar, dont la majorité dépend de l’élevage, la propagation du prosopis entraîne une baisse des revenus et une insécurité alimentaire accrue. Certains tentent de valoriser l’arbuste, notamment en fabriquant du charbon ou en transformant le bois, mais ces initiatives demeurent insuffisantes pour compenser les pertes. Les autorités régionales demandent un soutien accru de l’État et des partenaires internationaux pour financer des programmes d’éradication et de restauration des écosystèmes.
Vers une stratégie nationale de gestion ?
Le gouvernement éthiopien a lancé plusieurs projets pilotes visant à contrôler l’expansion du prosopis, mais leur impact reste limité. Des experts préconisent une approche intégrée combinant arrachage, transformation industrielle, sensibilisation communautaire et replantation d’espèces locales. Sans une stratégie coordonnée et durable, les régions les plus vulnérables, comme l’Afar, risquent de subir des conséquences irréversibles sur leur environnement et leurs moyens de subsistance.
